Texte intĂ©gral 1 Extrait p. 108 du livre tirĂ© en 1897 de la meilleure des deux seules rĂ©ponses au concours lancĂ© p ... [Il faut] lire les anciens procĂšs et particuliĂšrement les procĂšs criminels [âŠ] comme les rĂ©ceptacles exceptionnels des hontes sociales [âŠ] et non comme lâexpression et les tĂ©moins de lâimmoralitĂ© gĂ©nĂ©rale. Conclure dâune telle exception Ă une rĂšgle universelle serait sâarrĂȘter Ă une injuste et fausse apprĂ©ciation. »AmĂ©dĂ©e Combier, Les Justices seigneuriales⊠18971. 2 On pourrait dâailleurs opposer Ă la Saint-BarthĂ©lemy divers Ă©vĂšnements contemporains, comme le mass ... 1Les hommes des siĂšcles passĂ©s Ă©taient-ils plus violents que nous ? La cause est entendue, et la scĂšne peut sâouvrir sur un massacre les exemples abondent. Choisira-t-on le dĂ©chaĂźnement de violence de la Saint-BarthĂ©lemy2, lâatroce exĂ©cution de Ravaillac ou plus tard celle de Damiens, lâĂącre odeur des bĂ»chers de sorcellerie ? 3 Titre repris pour la deuxiĂšme partie du prĂ©sent livre Brutti, sporchi e cattivi titre original ... 2Il nâest pas besoin dâen discuter les xvie et xviie siĂšcles, en ce sens encore les hĂ©ritiers de la supposĂ©e noirceur mĂ©diĂ©vale, furent des siĂšcles de fer au cours desquels des hommes encore violents, sales et mĂ©chants »3 purent se livrer Ă des comportements sauvages avant, lentement, dâapprendre Ă se tenir, Ă se contenir, Ă rĂ©primer leur instincts et leurs pulsions, Ă se civiliser â car il faut dire le mot â et que puisse Ă©clore lâaimable xviiie siĂšcle, aux mĆurs enfin dignes, sinon apaisĂ©es. 3ClichĂ© dira-t-on, et avec raison ! Mais clichĂ© encore largement prĂ©sent, dans le grand public et aussi, sous une forme heureusement plus rĂ©flĂ©chie et nuancĂ©e, parmi les historiens. Pour ceux-ci, lâĂ©tude des sources judiciaires a semblĂ© conforter cette vision, ancrĂ©e dans une implicite perspective traditionnelle Ă©volutionniste. 4 Chaunu, Pierre, avant-propos Ă lâarticle de Boutelet, Bernadette, Ătude par sondage de la crimina ... 5 Elias, Norbert, La Civilisation des mĆurs, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1973, 342 p. 6 Weber, Max, Le Savant et le Politique 1919, prĂ©face de R. Aron et traduction par J. Freund, Paris ... 4Alors que lâĂ©tude de la justice mĂ©diĂ©vale souffre, globalement, du manque de sources de la pratique, celles-ci se multiplient avec lâĂšre moderne, permettant dâapprĂ©hender, notamment sur des bases statistiques, la rĂ©alitĂ© de lâaction de la justice institutionnelle. Or, les historiens qui se sont lancĂ©s dans lâĂ©tude des sĂ©ries B et qui ont comptĂ© les actes â car comment en venir Ă bout autrement ? â ont presque tous constatĂ© une transformation majeure au cours de la pĂ©riode. Pour le xvie siĂšcle, et quelles quâaient Ă©tĂ© leurs sources, ils ont tous Ă©tĂ© frappĂ©s par lâomniprĂ©sence des procĂ©dures judiciaires pour faits de violence, qui devait rĂ©vĂ©ler un monde sans pitiĂ© oĂč lâagression tenait lieu bien souvent dâĂ©tat normal des relations interindividuelles. Le tableau bien diffĂ©rent dressĂ© pour le xviiie siĂšcle, dans lequel les procĂ©dures pour violences semblent remplacĂ©es par la criminalitĂ© de type Ă©conomique, implique alors, par comparaison, lâexistence dâune Ă©volution. Câest le fameux passage de la violence au vol », formulĂ© par Pierre Chaunu4. Si cette thĂ©orie, plus descriptive quâexplicative, a eu du succĂšs, câest aussi parce quâelle apparaissait cohĂ©rente avec dâautres celle de Norbert Elias sur la civilisation des mĆurs »5, celle de Max Weber sur le monopole Ă©tatique de la violence »6 et celle de Chaunu lui-mĂȘme sur lâĂglise tridentine. 5Ces idĂ©es ont depuis longtemps Ă©tĂ© discutĂ©es et parfois mises Ă mal. On a soulignĂ© les faiblesses mĂ©thodologiques et thĂ©oriques sur lesquelles reposait cette vision linĂ©aire et un rien simpliste de la justice dâAncien RĂ©gime. On a montrĂ© les piĂšges de sources judiciaires que lâon ne peut ni additionner comme des actes de registres paroissiaux, ni lire comme des procĂšs-verbaux de gendarmerie actuels. 6Câest Ă ce travail critique que les Ă©tudes rassemblĂ©es par Antoine Follain entendent contribuer. Aux interrogations sur les mĂ©thodes â Compter ou ne pas compter ? Compter comment et quoi ? â succĂšdent des exemples dâutilisation de sources â lettres de rĂ©mission, archives des tribunaux ordinaires, seigneuriaux, princiers ou royaux mais aussi sources imprimĂ©es, traitĂ©s judiciaires et iconographie â prises dans divers espaces gĂ©ographiques europĂ©ens. Enfin une Ă©tude de cas â le procĂšs Petermann â permet dâapprofondir les analyses. LâoriginalitĂ© provient notamment de lâimportance des travaux, rĂ©alisĂ©s par Antoine Follain et ses Ă©tudiants de lâUniversitĂ© de Strasbourg constituĂ©s en Ă©quipe de recherche pour trouver des sources, en Ă©diter une partie et les analyser. Ces travaux portent sur le dĂ©but de lâĂ©poque moderne xvie siĂšcle et dĂ©but du suivant. Cette premiĂšre modernitĂ© » a longtemps Ă©tĂ© le parent pauvre des Ă©tudes sur la justice dâAncien RĂ©gime, notamment parce que ces sources sont plus difficiles dâaccĂšs palĂ©ographie complexe, droit encore mal fixĂ©, sĂ©ries souvent lacunaires, entraĂźnant ainsi, Ă la fois, une surreprĂ©sentation pratique et symbolique du xviiie siĂšcle et, en consĂ©quence, une mĂ©connaissance prĂ©judiciable des pĂ©riodes prĂ©cĂ©dentes, alors que le schĂ©ma de lâĂ©volution des mĆurs prĂ©suppose de connaĂźtre le point de dĂ©part autant que celui dâarrivĂ©e. 7Partant de la nĂ©cessaire critique historiographique des postulats sur lesquels reposent notre connaissance de la justice dâAncien RĂ©gime, les Ă©tudes rĂ©unies sâattellent ensuite Ă montrer lâextrĂȘme variĂ©tĂ© des situations de violence contenues dans les archives qui, patiemment dĂ©couvertes et correctement interrogĂ©es, ne correspondent guĂšre Ă lâimage rĂ©pandue dâun passĂ© violent et sauvage. Elles contribuent ainsi Ă chasser les clichĂ©s Ă la peau dure, et Ă les remplacer par une meilleure comprĂ©hension de lâactivitĂ© judiciaire et, par-lĂ , des sociĂ©tĂ©s humaines. 8Les hommes du passĂ© nâĂ©taient certes pas les habitants de lâĂźle dâUtopie de Thomas More, mais loin dâĂȘtre les sauvages mal dĂ©grossis que lâon dĂ©crit parfois, ils apparaissent comme nos proches parents, soucieux, dans un contexte culturel diffĂ©rent, de vivre avec des besoins, des pulsions, des dĂ©sirs, des pensĂ©es et des volontĂ©s contradictoires. Historiographie 9Depuis cinquante ans, les historiens qui se sont interrogĂ©s sur la violence ont postulĂ© une comparaison. Personne ne doute quâil y ait eu des actes de violence commis entre le xvie et le xviiie siĂšcle. Lâinterrogation majeure a donc Ă©tĂ© y en avait-il plus, autant ou moins quâĂ dâautres Ă©poques ? 7 Billacois, François, Pour une enquĂȘte sur la criminalitĂ© dans la France dâAncien RĂ©gime », Annale ... 8 Voir, pour un remarquable exemple de cette mĂ©thode exigeante, lâanalyse du procĂšs Petermann dans le ... 9 Dickinson, John A., LâactivitĂ© judiciaire dâaprĂšs la procĂ©dure civile. Le bailliage de Falaise, 1 ... 10Il faut voir lĂ les consĂ©quences de plusieurs phĂ©nomĂšnes lâobsession Ă©pistĂ©mologique historienne pour le changement et lâĂ©volution, une vision positiviste implicite supposant les sociĂ©tĂ©s du passĂ© forcĂ©ment plus sauvages que la nĂŽtre et lâapplication aux sources judiciaires des mĂ©thodes quantitatives. AprĂšs avoir appliquĂ© avec succĂšs ces derniĂšres Ă lâhistoire dĂ©mographique et Ă©conomique, des historiens se sont tournĂ©s, Ă partir des annĂ©es 1960, vers les archives judiciaires dont les masses considĂ©rables sommeillaient, sans ĂȘtre trop dĂ©rangĂ©es, dans les fonds dĂ©partementaux. Pierre Chaunu, dĂšs 1962, dans son cĂ©lĂšbre article oĂč il formule la thĂ©orie de la violence au vol », dĂ©jĂ citĂ©, puis François Billacois7, dans un article de 1967, appelaient tous deux Ă une enquĂȘte, menĂ©e selon les mĂ©thodes sĂ©rielles, sur la criminalitĂ© dâAncien RĂ©gime. Ces mĂ©thodes quantitatives, qui sâappuieront sur des moyens mĂ©canographiques puis informatiques, semblaient les plus Ă mĂȘme de traiter des sources plĂ©thoriques mais souvent complexes Ă apprĂ©hender. Si, pour Ă©tudier un procĂšs prĂ©cis, il est indispensable de connaĂźtre lâĂ©tat du droit ou les contextes politiques, sociaux, Ă©conomiques ou culturels dans lesquels il se dĂ©ploie8, cela nâest pas nĂ©cessaire dans une perspective quantitative oĂč lâaffaire individuelle nâa guĂšre de valeur, au profit du nombre. On peut, en fait, nettement dire que lâon a essayĂ© dâĂ©tendre aux sources judiciaires le traitement qui avait donnĂ© de si bons rĂ©sultats en histoire dĂ©mographique ou Ă©conomique. John A. Dickinson, le disait avec optimisme en 1976 les mĂ©thodes quantitatives permettent un Ă©largissement considĂ©rable du savoir historique » grĂące Ă une rigueur et une efficacitĂ© supĂ©rieures aux procĂ©dĂ©s traditionnels »9. Les appels de François Billacois et Pierre Chaunu furent entendus et thĂšses, mĂ©moires, articles se multipliĂšrent, dans lesquels on compta plaintes, sentences ou exĂ©cutions, selon des procĂ©dĂ©s divers monographie locale, Ă©tude par type de dĂ©lit, sondage chronologique, etc. qui tous, plus ou moins, aboutirent Ă la confirmation de la thĂ©orie du passage de la violence au vol ». 10 Garnot, BenoĂźt, Une illusion historiographique justice et criminalitĂ© au xviiie siĂšcle », Revue ... 11 Voir dans le prĂ©sent livre Farcy, Jean-Claude, Statistique et histoire de la criminalitĂ© lâex ... 11Puis, dans les annĂ©es 1980 et suivantes, des doutes sâinstallĂšrent, principalement mĂ©thodologiques. En langue française, lâarticle de BenoĂźt Garnot, dĂ©nonçant en 1989 une illusion historiographique »10 fit son effet. Lâauteur, sâappuyant sur une connaissance fine du droit et de la rĂ©alitĂ© des archives, notamment de premiĂšre instance, montrait bien que seule une partie des actes dĂ©linquants Ă©tait portĂ©e en justice et que, parmi ceux-ci, seule une minoritĂ© aboutissait Ă une sentence dĂ©finitive auprĂšs dâun de ces tribunaux dâappel bailliages, parlements qui avaient Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©s dans les Ă©tudes quantitatives. Il sâagissait de bien faire comprendre que les seules choses que lâon pouvait mesurer en comptant les procĂšs, câĂ©tait lâactivitĂ© des tribunaux elle-mĂȘme dĂ©pendante de nombreux facteurs Ă©tat du droit, politique pĂ©nale, dynamique propre de la juridiction et de ses relations avec les justiciables, conjoncture globale et pas du tout la rĂ©alitĂ© des comportements. En consĂ©quence, les conclusions des Ă©tudes quantitatives Ă©taient pour le moins sujettes Ă caution compter les actes judiciaires nâĂ©quivalait en rien Ă Ă©valuer la rĂ©alitĂ© de lâĂ©volution des actes violents. Poursuivant sa rĂ©flexion, Garnot en arrivera Ă lâidĂ©e quâil est urgent de ne plus compter » simplement parce que lâon ne sait jamais vraiment ce que lâon compte. Retraçant, dans le prĂ©sent volume, lâĂ©tat de lâhistoriographie pour la pĂ©riode contemporaine, Jean-Claude Farcy rappelle que, dans la mĂȘme lignĂ©e, un historien aussi important que FrĂ©dĂ©ric Chauvaud rĂ©cuse avec force toute tentative de mesurer la violence »11. 12FrĂ©dĂ©ric Chauvaud et BenoĂźt Garnot proposent donc ce que lâon pourrait appeler une histoire comprĂ©hensive de la criminalitĂ©, visant Ă redonner chair aux victimes, aux dĂ©linquants, Ă leurs concitoyens et Ă leurs juges, les individus, dans leurs spĂ©cificitĂ©, leurs singularitĂ©s et leur dignitĂ©, ne pouvant ĂȘtre rĂ©duits Ă des dixiĂšmes de pourcentage. 12 Eisner, Manuel, Long-term historical trends in violent crime », Crime and Justice. A Review of re ... 13 Muchembled, Robert, Une histoire de la violence, Paris, Seuil, 2008, 498 p., spĂ©cialement le chapit ... 14 Robert Muchembled op. cit., p. 33-34 nâhĂ©site pas Ă estimer que le taux dâhomicide a Ă©tĂ© divisĂ© p ... 15 Puisque lâon peut en conclure que les donnĂ©es des siĂšcles mĂ©diĂ©vaux sont des minima, dĂ©jĂ trĂšs supĂ© ... 13Ces critiques ont Ă©tĂ© reçues de façons fort diverses. Certains historiens, les ont finalement balayĂ©es, aprĂšs des dĂ©clarations liminaires de prĂ©cautions mĂ©thodologiques. Estimant que les diffĂ©rents biais mĂ©thodologiques enregistrement inĂ©gal dans le temps et dans lâespace, variabilitĂ© du droit appliquĂ© se compensaient, ou nâentraĂźnaient pas des distorsions susceptibles de fausser les Ă©volutions discernables, Manuel Eisner12 dans la lignĂ©e de T. R. Gurr, ou, en langue française, Robert Muchembled13, recourent massivement Ă la quantification, sâappuyant particuliĂšrement sur le calcul de taux dâhomicide pour proposer des synthĂšses montrant lâĂ©volution de la violence sur le long-terme et dans lâensemble de lâespace europĂ©en. Tous relĂšvent une diminution spectaculaire, mais gĂ©ographiquement hĂ©tĂ©rogĂšne, de lâhomicide et donc, de leur point de vue, de la violence entre le Moyen Ăąge et lâĂ©poque actuelle14. La gĂ©nĂ©ralitĂ© de cette constatation, faite Ă partir dâun grand nombre dâĂ©tudes, gĂ©ographiquement et chronologiquement variĂ©es, mais aussi le constat que les biais mĂ©thodologiques, portant essentiellement sur le sous-enregistrement des crimes commis aux pĂ©riodes les plus reculĂ©es, nâont pas dâimportance sur la tendance globale15 sont deux Ă©lĂ©ments majeurs qui lĂ©gitiment, aux yeux de leurs auteurs, leurs travaux et leur permettent de passer outre les critiques quâils ont soulevĂ©, en France particuliĂšrement. 16 Voir au contraire le protocole de recherche utilisĂ© par Antoine Follain pour son sĂ©minaire Brutes ... 17 Sur ce sujet voir Revel, Jacques, Lâhistoire au ras du sol », prĂ©face Ă lâouvrage de Levi, Giovan ... 18 Bel exemple Ă©galement dans Garnot, BenoĂźt, Intime Conviction et erreur judiciaire ? Un magistrat as ... 14Dâautres historiens se sont, au contraire, conformĂ©s au mot dâordre de BenoĂźt Garnot et ont renoncĂ© aux approches quantitatives. FascinĂ©s souvent par les rĂ©cits de vie poignants rĂ©vĂ©lĂ©s par les archives judiciaires, ils ont multipliĂ© les Ă©tudes de cas, examinant des procĂšs individuels, cĂ©lĂšbres ou non. La remarquable analyse menĂ©e par Antoine Follain et ses Ă©tudiants dâune affaire criminelle se dĂ©roulant dans la montagne vosgienne au dĂ©but du xviie siĂšcle, le procĂšs Petermann », en est un bon exemple. Cette approche peut donner, comme dans ce cas, de remarquables rĂ©sultats, mais elle pose Ă©galement des questions Ă©pistĂ©mologiques. Lâun des problĂšmes majeurs, soulignĂ© par Jean-Claude Farcy est celui de la reprĂ©sentativitĂ© de lâaffaire explorĂ©e » bien souvent, lâaffaire Ă©tudiĂ©e est un procĂšs cĂ©lĂšbre, ou particuliĂšrement frappant, par la personnalitĂ© de la victime ou du criminel ou par les circonstances du crime. Lâaspect exceptionnel du crime est alors considĂ©rĂ© comme rĂ©vĂ©lateur parce que câest dans les marges [âŠ] que lâon perçoit le mieux les Ă©lĂ©ments anthropologiques fondamentaux dâune sociĂ©tĂ© »16. On retrouve lĂ les postulats de lâĂ©cole de la microstoria et la thĂ©orie de lâexceptionnel normal »17. MĂȘme lorsque lâĂ©tude sâattache moins Ă ces aspects anthropologiques et se tourne vers une vision plus sociologique, dans laquelle le cas examinĂ© sert Ă retracer une sociĂ©tĂ© donnĂ©e par la connaissance prĂ©cise de contextes et des enjeux locaux, comme le fait Antoine Follain dans lâaffaire Petermann18, le problĂšme de la reprĂ©sentativitĂ© demeure. Lâhistorien a besoin de sources suffisamment prolixes et toutes les affaires nâen disposent pas. On peut mĂȘme dire que la plupart des actes de violence ne donnent pas lieu Ă un dossier judiciaire Ă©pais soit quâils ne soient pas portĂ©s Ă la connaissance du juge, soit que les procĂšs se sont arrĂȘtĂ©s Ă un stade prĂ©coce de la procĂ©dure, soit que les faits ne nĂ©cessitaient pas un traitement long et dĂ©taillĂ©, soit que les archives aient disparu. Ă Ă©numĂ©rer ainsi les cas qui aboutissent Ă des absences ou lacunes, on voit bien que le beau procĂšs », celui qui permet une Ă©tude de cas dĂ©taillĂ©e, est une exception qui ne tĂ©moigne, peut-ĂȘtre, que de lui-mĂȘme. 19 Dans ce livre Roussel, Diane, Force meurtres et assassinats » ? Mesures et formes de la viole ... 15Reste, pour beaucoup dâhistoriens, Ă naviguer Ă vue », entre ces deux Ă©cueils compter au risque dâadditionner nâimporte quoi et nâimporte comment ou ne pas compter et risquer de se perdre dans des cas particuliers. Compter de façon raisonnable, en sâinterrogeant sur ce que lâon compte et pourquoi on le fait, câest le parti-pris de la plupart des Ă©tudes de ce recueil. Diane Roussel lâexprime clairement refusant dâopposer lâobjectivitĂ© des faits Ă leur reprĂ©sentation nĂ©cessairement biaisĂ©e », elle dĂ©crit sa dĂ©marche comme un entre-deux critique qui vise Ă comprendre Ă quelles conditions les traces laissĂ©es dans les archives sont un moyen dâaccĂšs aux phĂ©nomĂšnes passĂ©s »19. Sources et mĂ©thodes 16Cela passe dâabord par une analyse serrĂ©e des sources. Lâun des problĂšmes majeurs posĂ© par les grandes Ă©tudes statistiques est quâelles reposent frĂ©quemment sur la compilation de donnĂ©es Ă©parpillĂ©es, souvent hĂ©tĂ©rogĂšnes qui sont ensuite agrĂ©gĂ©es pour fabriquer un indicateur, gĂ©nĂ©ralement le taux dâhomicide. De ce point de vue, lâarticle de Jean-Claude Farcy, dans le prĂ©sent volume, fournit, en contrepoint, un Ă©clairage pertinent. 20 Les jurisconsultes de lâĂ©poque moderne disent les deux aussi graves. Voir un exemple dâapprĂ©ciation ... 17Les historiens de lâĂ©poque contemporaine disposent en effet dâune source, le Compte gĂ©nĂ©ral », qui compile lâactivitĂ© des diffĂ©rents tribunaux et a toutes les apparences de la soliditĂ© et de la cohĂ©rence. Tout en montrant que les Ă©volutions qui apparaissent infirment les thĂ©ories de la dĂ©croissance du crime » et du passage de la violence au vol », Jean-Claude Farcy souligne les limites de cette source, tributaire de choix aussi nombreux quâarbitraires et changeants. Ainsi, montre-t-il de façon frappante que les tentatives dâhomicide ont parfois Ă©tĂ© comptabilisĂ©es avec les homicides rĂ©els, ce qui pour le moins, rend difficiles les comparaisons20. 21 Leromain, Emilie, Les âĂ©tats des crimes dignes de mort ou de peines afflictivesâ une source sur ... 22 Je ne me lancerai pas ici dans une discussion sur les difficultĂ©s mĂ©thodologiques de la dĂ©mographie ... 23 Sur ces questions mĂ©thodologiques, voir le dĂ©bat entre Monkonnen, Ăric, New Standards for Histori ... 18Le Compte gĂ©nĂ©ral nâexiste pas pour lâAncien RĂ©gime. Non dâailleurs que lâidĂ©e nâait pas germĂ© dans lâesprit de certains hommes de la monarchie absolue, au premier rang desquels figure le chancelier dâAguesseau, mais la centralisation effective des rĂ©sultats chiffrĂ©s de lâactivitĂ© de lâensemble des juridictions Ă©tait probablement trop difficile Ă rĂ©aliser pour lâĂ©poque. Dans un bel article de ce volume, Emilie Leromain montre bien, Ă la fois, les limites et lâintĂ©rĂȘt de la compilation des Etats des crimes » rĂ©clamĂ©s par la Chancellerie au xviiie siĂšcle, et qui semble constituer une belle sĂ©rie. En attendant les rĂ©sultats que pourra peut-ĂȘtre apporter cette nouvelle » source21, il faut ĂȘtre conscient que les tentatives de dresser des taux dâhomicide rĂ©gionaux, voire nationaux, pour permettre des comparaisons europĂ©ennes posent problĂšme. Peu de zones gĂ©ographiques ou administratives disposent, sur une longue pĂ©riode, de sources correctement enregistrĂ©es et conservĂ©es, rendant compte de lâapplication dâun droit suffisamment homogĂšne. En dâautres termes, il est difficile de comparer les nombres dâhomicides obtenus en comptant, par exemple, des lettres de rĂ©mission du parlement de Paris au xvie siĂšcle et des jugements rendus par une cour locale dans une ville anglaise au xixe siĂšcle. Lâhomicide nâest pas lâĂ©quivalent de la mort, phĂ©nomĂšne naturel que les dĂ©mographes peuvent comptabiliser de façon Ă peu prĂšs fiable22, câest une construction sociale qui relĂšve dâun contexte chronologique, social, juridique singulier. Pourtant, les synthĂšses gĂ©nĂ©rales reposent pour la plupart sur des Ă©tudes locales qui sont ensuite compilĂ©es et extrapolĂ©es. Mais, pour reprendre un exemple dĂ©veloppĂ© par Bruno Aubusson de Cavarlay, supposer que 3 meurtres en 23 ans dans une ville de 6 000 habitants Ă©quivalent Ă 3 meurtres par an dans une ville de 138 000 pose des problĂšmes mĂ©thodologiques du point de vue de la science statistique et Ă©pistĂ©mologiques du point de vue du sens historique pour le moins ardus23. Ce spĂ©cialiste de la statistique criminelle a ainsi soulignĂ© la difficultĂ© Ă utiliser la mĂ©thode du taux dâhomicide y compris pour mesurer la criminalitĂ© actuelle dont la fiabilitĂ© dĂ©pend beaucoup de lâĂ©chantillon car plus lâĂ©chantillon est restreint, plus les variations annuelles sont amples et qui est tributaire de critĂšres que les historiens, dans la plupart des cas, ne peuvent maĂźtriser par exemple effectifs et structures de la population de rĂ©fĂ©rence. 24 Lignereux, AurĂ©lien, La France rĂ©bellionnaire. Les rĂ©sistances contre la gendarmerie. 1800-1859, Re ... 25 Mauclair, Fabrice, Mesurer la violence interpersonnelle dans la France moderne xve-xviiie siĂšcle ... 26 Larguier, Gilbert, Violence meurtriĂšre et turbulence juvĂ©nile dans le Midi de la France faut-il ... 19Plus sagement, les auteurs des Ă©tudes du recueil se concentrent sur des sources uniques, prises prioritairement dans les tribunaux de premiĂšre instance. Se mĂ©fiant des grands indicateurs, Jean-Claude Farcy estime ainsi quâil faut remonter aux dossiers de procĂ©dure plutĂŽt quâaux collections de jugements, car ils fournissent davantage de renseignements sur les individus et les circonstances. Lâhistorien peut alors construire son propre corpus, thĂ©matique, chronologique, gĂ©ographique, puis utiliser les mĂ©thodes quantitatives pour interroger ces documents et croiser les donnĂ©es avec celles tirĂ©es de la connaissance du contexte local ou national. Ce discours de la mĂ©thode, que lâon retrouve dans des thĂšses rĂ©centes dont Jean-Claude Farcy souligne la qualitĂ©24, est Ă©galement appliquĂ© dans les articles de Diane Roussel, Fabrice Mauclair25 et Gilbert Larguier26 dans le prĂ©sent volume. En se focalisant sur un thĂšme la violence ordinaire Ă Paris au xve siĂšcle, la violence des jeunes sous lâAncien RĂ©gime ou une source les archives des tribunaux seigneuriaux ces auteurs participent ainsi Ă la construction de ce que, en reprenant Jean-Claude Farcy, on peut appeler une histoire sociale de la violence dans laquelle la statistique reprend toute sa place et permet une mise en perspective, sans que soit nĂ©gligĂ©e pour autant la contextualisation, lâusage dâautres sources et lâĂ©paisseur humaine » des destins et des sociĂ©tĂ©s ainsi retracĂ©s. 27 Delsalle, Paul, Il nâavoit point lâintention de lâoccire les femmes et la violence Ă travers le ... 28 Follain, Antoine, et GĂ©rardin, Emmanuel, Fiction et rĂ©alitĂ©s dans les lettres de rĂ©mission du duc ... 29 La sĂ©rie centralisĂ©e sâarrĂȘte en 1568 pour le royaume de France mais se poursuit plus longtemps par ... 20Parmi les sources disponibles, les lettres de rĂ©mission ou leurs variantes sont au centre dâun dĂ©bat historiographique depuis les travaux pionniers de Robert Muchembled, Nathalie Zemon ou Claude Gauvard. Dans le prĂ©sent recueil, plusieurs articles, de Diane Roussel, Paul Delsalle27 ou de Antoine Follain et Emmanuel GĂ©rardin28 les utilisent et/ou rĂ©flĂ©chissent Ă leur usage. Ce succĂšs, mais aussi les discussions quâil a suscitĂ©es, sâexplique par les caractĂ©ristiques particuliĂšres de ces documents. Rappelons dâabord quâil sâagit des lettres par lesquelles une autoritĂ© royale ou princiĂšre accorde la rĂ©mission le pardon dâun crime, souvent mais pas toujours un homicide. Ces documents semblent ĂȘtre idĂ©aux pour les historiens. Ils contiennent toujours un rĂ©cit circonstanciĂ© des faits ayant conduit au crime, rĂ©cit vivant, riche dâĂ©lĂ©ments de vie quotidienne et souvent fascinant par lâeffet de rĂ©el quâil crĂ©e. En complĂ©ment de ces aspects qualitatifs, les lettres abondent par milliers, fournissant ainsi, pour les pĂ©riodes oĂč elles existent29, des sĂ©ries quantitativement intĂ©ressantes, permettant dâĂ©laborer des statistiques. Elles possĂšdent donc en quelque sorte les avantages quantitatifs des jugements dâappel â permettre une mise en sĂ©rie â et ceux, qualitatifs, des sources primaires. 30 DâoĂč les discussions pour connaĂźtre la rĂ©alitĂ© des moyens de vĂ©rification ou de contrĂŽle, par le pa ... 31 Mais ces instances de contrĂŽle attendaient-elles la vĂ©ritĂ© ou une vraisemblance qui justifie lâoctr ... 32 Lâespoir dâobtenir, par le croisement des sources, un Ă©tat complet des homicides dans lâEtat lorrai ... 21Pourtant, la source est discutĂ©e. Le dĂ©bat sâest souvent focalisĂ© sur la question de la rĂ©alitĂ© des faits relatĂ©s, entre les historiens qui voyaient, tel Natalie Zemon, les lettres de rĂ©mission comme des rĂ©cits, dont le but premier nâest pas de dire la vĂ©ritĂ© » mais de tenir un discours attendu, câest-Ă -dire celui qui justifiera la rĂ©mission30 et ceux qui estiment que ce rĂ©cit ne pouvait guĂšre sâĂ©loigner de la rĂ©alitĂ©, ne serait-ce que parce quâil existait des garde-fous, des procĂ©dures de contrĂŽle nĂ©cessaire dĂ©dommagement de la partie civile, vĂ©rification par la cour ordinaire compĂ©tente qui laissaient planer le risque dâun rejet de la lettre31. Dans le mĂȘme temps, lâaspect quantitatif nâest pas non plus sans poser des questions. Le caractĂšre massif de la source prise dans son ensemble ne peut faire oublier que les sĂ©ries sont souvent lacunaires, que le droit appliquĂ© a Ă©voluĂ© type de crime rĂ©missible et que, de toute façon, Ă un moment donnĂ© les crimes remis par lettres ne sont quâune partie, probablement minoritaire, de lâensemble de la criminalitĂ©, mĂȘme rĂ©duite aux homicides32. 33 Nassiet, Michel, La Violence, une histoire sociale, France xvie-xviiie siĂšcle, Seyssel, Champ-Val ... 22Câest, en fait, sâinterroger une nouvelle fois sur la reprĂ©sentativitĂ© dâune source pour connaĂźtre la violence en gĂ©nĂ©ral pour certains historiens, les actes pour lesquels rĂ©mission a Ă©tĂ© obtenue ne sont finalement que des actes ordinaires » qui ont mal tournĂ©, ils sont donc de mĂȘme nature que la liste beaucoup plus longue des violences non-homicidaires et surtout ils Ă©voluent de maniĂšre similaire. Si beaucoup de crimes remis ont lieu Ă une Ă©poque, dans un lieu ou dans une circonstance donnĂ©e, câest que cette Ă©poque, ce lieu, cette circonstance sont fortement criminogĂšnes. Dâautres historiens, qui reconnaissent le problĂšme quantitatif, le contournent en Ă©voquant une forme de reprĂ©sentativitĂ© dans les discours. Dans le recueil, câest le postulat choisi par Paul Delsalle qui ignore toute quantification. Pour Michel Nassiet, dans un livre rĂ©cent33, les lettres de rĂ©mission ne permettent pas une quantification solide de la violence rĂ©elle, mais lĂ nâest pas lâessentiel. Ainsi, pour lui, la raretĂ© des rĂ©missions pour crime passionnel nâempĂȘche pas dây voir la trace dâune injonction puissante faite aux hommes et par ricochet aux femmes de lâAncien RĂ©gime. En effet, le pardon dâun tel crime produit un discours par lequel le pouvoir royal lĂ©gitime, voire approuve, le recours Ă la violence pour dĂ©fendre lâhonneur conjugal. Il me semble nĂ©anmoins quâon ne peut pas aussi simplement laisser de cĂŽtĂ© le problĂšme de la reprĂ©sentativitĂ© quantitative. Dâabord, la corrĂ©lation entre lâhomicide pardonnĂ© et les comportements rĂ©els doit ĂȘtre mieux prouvĂ©e. Que beaucoup de crimes remis aient Ă©tĂ© commis dans des tavernes, par exemple, nâempĂȘche pas que lâimmense majoritĂ© des clients de cabaret ne tuent personne, mĂȘme lorsque, Ă©ventuellement, ils se disputent. Peut-on en dĂ©duire que les tavernes sont des lieux de violence ? Quant Ă lâidĂ©e dâune sorte de reprĂ©sentativitĂ© qualitative, illustrĂ© par lâexemple des crimes passionnels remis Ă©tudiĂ©s par Michel Nassiet, il faudrait, pour suivre lâauteur, ĂȘtre certain dâabord que le pardon est effectivement accordĂ© Ă la plupart des crimes de ce type ce qui permettrait de conclure sur lâattitude des autoritĂ©s mais est impossible Ă faire et ensuite que les maris trompĂ©s obĂ©issent Ă la supposĂ©e injonction qui leur est faite de dĂ©fendre leur honneur Ă tout prix et ont effectivement tous recours aux armes. Les maris complaisants, ou qui rĂšglent leurs diffĂ©rends matrimoniaux par dâautres voies, laissent peu de traces. Au vrai, le raisonnement circulaire nâest pas loin peut-on vraiment considĂ©rer que la raretĂ© dâun fait prouve son importance auquel cas, que prouverait lâinverse le fait que beaucoup de crimes soient pardonnĂ©s ? autrement que parce quâon a dĂ©cidĂ© a priori quâil lâĂ©tait ? 23Enfin, Antoine Follain et Carole-Anne Papillard, dans lâarticle quâils consacrent au livre du juriste Josse de DamhoudĂšre, montrent que lâapprĂ©hension de la violence peut se faire par dâautres voies quâen comptant les meurtres dans les archives. Lâouvrage de cet important jurisconsulte flamand du xvie siĂšcle est en effet illustrĂ© de nombreuses planches dont certaines dĂ©crivent des faits de violence, caractĂ©ristique Ă©ditoriale qui semble unique. En gĂ©nĂ©ral, disent les auteurs, les ouvrages de droit sont peu illustrĂ©s ou par des reprĂ©sentations stĂ©rĂ©otypĂ©es, faisant la part belle Ă lâallĂ©gorie ou aux exemples historiques, bibliques ou mythologiques. LĂ , DamhoudĂšre et ses illustrateurs ont conçu un ensemble cohĂ©rent, parfois trĂšs original, oĂč textes et dessins se rĂ©pondent. Ces gravures ne peuvent Ă©videmment avoir valeur quantitative mais intĂ©ressent Ă la fois lâhistoire des reprĂ©sentations le dessinateur fait des choix, respecte certains tabous comme la reprĂ©sentation du sang ou des actes sexuels, choisit souvent des figures de criminels soldats et celle de la civilisation matĂ©rielle avec la reproduction dâarmes, de costumes mais aussi dâattitudes dont certaines sont des stĂ©rĂ©otypes et dâautres semblent prises sur le vif. Notes 1 Extrait p. 108 du livre tirĂ© en 1897 de la meilleure des deux seules rĂ©ponses au concours lancĂ© par la SociĂ©tĂ© des Ătudes historiques sur le fonctionnement des justices seigneuriales dâaprĂšs les documents dâarchives » Combier, AmĂ©dĂ©e, Les Justices seigneuriales du bailliage de Vermandois sous lâAncien RĂ©gime dâaprĂšs les documents inĂ©dits conservĂ©s au greffe du Tribunal civil de Laon et aux Archives dĂ©partementales de lâAisne, Paris, A. Fontemoing, 1897, XV-160 p. Voir lâanalyse de ce livre dans Cornu, Laetitia, et Follain, Antoine, Guide bibliographique. Justice seigneuriale et justice de proximitĂ© en France de la fin du Moyen Ăge au dĂ©but du xixe siĂšcle », p. 393-427 dans Follain, Antoine dir., Les Justices de village. Administration et justice locales de la fin du Moyen Ăge Ă la RĂ©volution, Rennes, PUR, 2002, 430 p. 2 On pourrait dâailleurs opposer Ă la Saint-BarthĂ©lemy divers Ă©vĂšnements contemporains, comme le massacre des Italiens dâAigues-Mortes 1893 ou les massacres de SĂ©tif 1945 et dans le registre judiciaire ordinaire la tuerie du Landreau 1913, lâaffaire du curĂ© dâUruffe 1956, les disparues de lâYonne 1975-2000 ou cent autres cas, face auxquels il faut mĂ©diter lâavertissement dĂ©jĂ donnĂ© par Combier en 1897 sur les cas exceptionnels » et lâhypothĂšse risquĂ©e dâune immoralitĂ© gĂ©nĂ©rale » cf. le texte mis en exergue. 3 Titre repris pour la deuxiĂšme partie du prĂ©sent livre Brutti, sporchi e cattivi titre original ou en français Affreux, sales et mĂ©chants, film italien rĂ©alisĂ© par Ettore Scola 1976. Il est malicieusement utilisĂ© sous cette forme Violents, sales et mĂ©chants » comme titre de la premiĂšre partie de Muchembled, Robert, Lâinvention de lâhomme moderne. SensibilitĂ©s, mĆurs et comportements collectifs sous lâAncien RĂ©gime, Paris, Fayard, 1988, 514 p. 4 Chaunu, Pierre, avant-propos Ă lâarticle de Boutelet, Bernadette, Ătude par sondage de la criminalitĂ© dans le bailliage de Pont-de-lâArche xviie-xviiie siĂšcle. De la violence au vol. En marche vers lâescroquerie », Annales de Normandie, 1962, p. 235-262. 5 Elias, Norbert, La Civilisation des mĆurs, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1973, 342 p. 6 Weber, Max, Le Savant et le Politique 1919, prĂ©face de R. Aron et traduction par J. Freund, Paris, Plon, 1959, 230 p. 7 Billacois, François, Pour une enquĂȘte sur la criminalitĂ© dans la France dâAncien RĂ©gime », Annales ESC, mars-avril 1967, p. 340-349. 8 Voir, pour un remarquable exemple de cette mĂ©thode exigeante, lâanalyse du procĂšs Petermann dans le prĂ©sent livre Follain, Antoine, et alii, Ătude du procĂšs fait Ă Anthoine Petermann prĂ©venu dâhomicide sur sa belle-fille en 1617 Ă Sainte-Croix dans le val de LiĂšpvre ». 9 Dickinson, John A., LâactivitĂ© judiciaire dâaprĂšs la procĂ©dure civile. Le bailliage de Falaise, 1668-1790 », Revue dâHistoire Ă©conomique et sociale, volume 54, 1976, p. 145-168, p. 145 pour la citation. 10 Garnot, BenoĂźt, Une illusion historiographique justice et criminalitĂ© au xviiie siĂšcle », Revue historique, no 570, avril-juin 1989, p. 361-379. 11 Voir dans le prĂ©sent livre Farcy, Jean-Claude, Statistique et histoire de la criminalitĂ© lâexemple de la violence dans la France du xixe siĂšcle ». Une Ă©valuation des sources et de la faisabilitĂ© de nouvelles statistiques est Ă lire dans Follain, Antoine, et alii, Des amendes communes et arbitraires aux lettres de grĂące la violence dans le corpus lorrain aux xvie et xviie siĂšcles », avec la collaboration de Jean-Claude Diedler. 12 Eisner, Manuel, Long-term historical trends in violent crime », Crime and Justice. A Review of research, vol. XXX, 2003, p. 83-142. 13 Muchembled, Robert, Une histoire de la violence, Paris, Seuil, 2008, 498 p., spĂ©cialement le chapitre II Le spectaculaire dĂ©clin de la violence depuis sept siĂšcles », p. 55-76. 14 Robert Muchembled op. cit., p. 33-34 nâhĂ©site pas Ă estimer que le taux dâhomicide a Ă©tĂ© divisĂ© par 100, entre le xiiie siĂšcle et aujourdâhui. 15 Puisque lâon peut en conclure que les donnĂ©es des siĂšcles mĂ©diĂ©vaux sont des minima, dĂ©jĂ trĂšs supĂ©rieurs aux donnĂ©es obtenues pour lâĂ©poque contemporaine oĂč lâemprise policiĂšre et judiciaire permet de penser que la non-connaissance dâun homicide est rare. 16 Voir au contraire le protocole de recherche utilisĂ© par Antoine Follain pour son sĂ©minaire Brutes impulsives ou paisibles bonshommes, les gens de lâĂ©poque moderne Ă©taient-ils violents ? » 2010-2011 qui a livrĂ© comme procĂšs pour homicide Ă ses Ă©tudiants un cas qui les a dâabord embarrassĂ©s, car le coupable nâĂ©tait conforme Ă rien de ce qui Ă©tait attendu. 17 Sur ce sujet voir Revel, Jacques, Lâhistoire au ras du sol », prĂ©face Ă lâouvrage de Levi, Giovanni, Le Pouvoir au village, Histoire dâun exorciste dans le PiĂ©mont du xviie siĂšcle, Paris, Gallimard, 1989, XXXIII-230 p. 18 Bel exemple Ă©galement dans Garnot, BenoĂźt, Intime Conviction et erreur judiciaire ? Un magistrat assassin au xviie siĂšcle, Dijon, EUD, 2004, 160 p. 19 Dans ce livre Roussel, Diane, Force meurtres et assassinats » ? Mesures et formes de la violence ordinaire Ă Paris au xvie siĂšcle ». 20 Les jurisconsultes de lâĂ©poque moderne disent les deux aussi graves. Voir un exemple dâapprĂ©ciation du crime dans Follain, Antoine, et Papillard, Carole-Anne, Figures du crime et de la violence au xvie siĂšcle les singuliĂšres gravures insĂ©rĂ©es dans la Praxis rerum criminalium de Josse de DamhoudĂšre ». 21 Leromain, Emilie, Les âĂ©tats des crimes dignes de mort ou de peines afflictivesâ une source sur la criminalitĂ© et lâactivitĂ© des juridictions dans tout le royaume au xviiie siĂšcle ». Les rĂ©sultats statistiques sont conservĂ©s pour sa future thĂšse. 22 Je ne me lancerai pas ici dans une discussion sur les difficultĂ©s mĂ©thodologiques de la dĂ©mographie historique. 23 Sur ces questions mĂ©thodologiques, voir le dĂ©bat entre Monkonnen, Ăric, New Standards for Historical Homicide Research », Crime, Histoire & et SociĂ©tĂ©s â Crime, History & Societies, 2001, no 2, p. 5-26, et Aubusson de Cavarlay, Bruno, Les limites intrinsĂšques du calcul de taux dâhomicide. Ă propos des nouveaux standards proposĂ©s par E. Monkkonen », Crime, Histoire et SociĂ©tĂ©s/Crime, History, Societies, 2011, no 2, p. 27-32. 24 Lignereux, AurĂ©lien, La France rĂ©bellionnaire. Les rĂ©sistances contre la gendarmerie. 1800-1859, Rennes, PUR, 2008, 365 p. ; RĂ©gnard-Drouot, CĂ©line, Marseille la violente. CriminalitĂ©, industrialisation et sociĂ©tĂ©, 1851-1914, Rennes, PUR, 2009, 360 p. 25 Mauclair, Fabrice, Mesurer la violence interpersonnelle dans la France moderne xve-xviiie siĂšcle lâapport des archives des justices seigneuriales ». 26 Larguier, Gilbert, Violence meurtriĂšre et turbulence juvĂ©nile dans le Midi de la France faut-il rĂ©examiner le processus de civilisation des mĆurs ? ». 27 Delsalle, Paul, Il nâavoit point lâintention de lâoccire les femmes et la violence Ă travers les lettres de rĂ©mission dans le comtĂ© de Bourgogne Franche-ComtĂ© au dĂ©but du xviie siĂšcle ». 28 Follain, Antoine, et GĂ©rardin, Emmanuel, Fiction et rĂ©alitĂ©s dans les lettres de rĂ©mission du duc de Lorraine au dĂ©but du xviie siĂšcle ». 29 La sĂ©rie centralisĂ©e sâarrĂȘte en 1568 pour le royaume de France mais se poursuit plus longtemps par endroit. 30 DâoĂč les discussions pour connaĂźtre la rĂ©alitĂ© des moyens de vĂ©rification ou de contrĂŽle, par le parquet, les juridictions locales ou les victimes. 31 Mais ces instances de contrĂŽle attendaient-elles la vĂ©ritĂ© ou une vraisemblance qui justifie lâoctroi de la lettre ? 32 Lâespoir dâobtenir, par le croisement des sources, un Ă©tat complet des homicides dans lâEtat lorrain, formulĂ© par Antoine Follain dans ce volume, me semble quelque peu optimiste, mais on ne le saura quâune fois lâexpĂ©rimentation rĂ©alisĂ©e Follain, Antoine, et alii, Des amendes communes et arbitraires aux lettres de grĂące la violence dans le corpus lorrain aux xvie et xviie siĂšcles ». 33 Nassiet, Michel, La Violence, une histoire sociale, France xvie-xviiie siĂšcle, Seyssel, Champ-Vallon, 2011, 377 p.
Etde cette façon, jâaime tout. Non, je ne parlerai pas de la scĂšne entiĂšre, je pourrais finir avec un nouveau film si je le faisais, donc câest seulement pour des films spĂ©cifiques au film Affreux et mĂ©chants , Regarder Affreux et mĂ©chants film complet. le titre : Affreux et mĂ©chants Date de sortie : [2017] popularitĂ© : 5.219 vote
Sâil y a une qualitĂ© quâon ne peut nier Ă Ibrhaim Letaief câest sa constance. En effet, lâĆuvre cinĂ©matographique de notre cher maestro tunisien se distingue invariablement par sa constance dans la mĂ©diocritĂ©. Alors que jâavais naĂŻvement cru quâavec Cinecitta Letaief avait commis le navet absolu aussi bien en termes de rĂ©alisation que dâĂ©criture, voilĂ quâil arrive Ă se surpasser dans son nouvel opus intitulĂ© Hiz ya Wizz » en rĂ©alisant lâun des films les plus insipides que lâhistoire cinĂ©matographique mondiale ait connu. Pour rĂ©sumer Ă cotĂ© de Hiz ya Wizz » les inepties sur pellicule de lâĂ©gyptien Mohammed Hinidi sont des Ćuvres aussi respectables que les films produits par le cinĂ©ma italien de la grande Ă©poque. Dâailleurs si jâĂ©voque le cinĂ©ma italien ce nâest pas par hasard puisque notre maestro Letaief y puise beaucoup de son inspiration comme le dĂ©montre le titre français de son film Ă savoir affreux cupide et stupide » qui rappelle celui de lâĆuvre magistrale dâEttore Scola affreux, sales et mĂ©chants ». Cette touche italien se retrouve Ă©galement dans les costumes et les attitudes des personnages mais la comparaison sâarrĂȘte lĂ car ce que nâa pas encore compris Ibrhaim Letaief, et vraisemblablement ne comprendra jamais, câest quâil ne suffit pas de compiler une sĂ©rie de clichĂ©s tirĂ©s de ses souvenirs de cinĂ©phile pour appeler cela un film. Ibrhaim Letaief sâentĂȘte Ă rĂ©aliser des films sans scĂ©nario Ă moins quâil ne sâagisse lĂ dâun nouvel exercice cinĂ©matographique qui sâinscrit dans la continuitĂ© du cinĂ©ma dâart et dâessai et dans ce cas Letaief devrait par honnĂȘtetĂ© intellectuelle le dire aux spectateurs avant quâils achĂštent leur billet. A lâinstar des affiches indiquant que tel film est interdit aux moins de 18 ans, lâaffiche de Hiz ya Wizz » devrait annoncer clairement quâil a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© sans scĂ©nario. Quant Ă la mise en scĂ©ne, elle a pour mĂ©rite dâĂȘtre assortie Ă lâhistoire du film du point de vue de sa superficialitĂ© et de son amateurisme. Ibrhaim Letaief multiplie sans raison les plans serrĂ©s quand il nâessaye pas vainement de booster lâaction du film par des mouvements saccadĂ©s de camĂ©ra qui ne servent quâĂ accentuer la confusion gĂ©nĂ©rale. Je ne mâattarderai pas sur le montage en hachoir du film il suffit de dire que dans une des scĂšnes le hĂ©ros et sa complice montent dans une voiture la nuit et dans le plan suivant ils arrivent Ă leur destination en plein jour sans aucune autre forme dâexplication. Cette Ćuvre cinĂ©matographique dâanthologie est servie par une brochette dâacteurs tunisiens aussi mauvais les uns que les autres tout dâabord le hĂ©ros principal campĂ© par Ahmed Hefiane, cet acteur quâon avait connu excellent il y a quelques annĂ©es dans le film poupĂ©es dâargile de Nouri Bouzid, nâen finit pas de brader son talent espĂ©rons pour lui que cela est dĂ» uniquement Ă des considĂ©rations retrouve Ă©galement Foued Litayem qui joue le personnage dâun petit escroc sans scrupules et qui tout au long du film ne se lasse pas de faire des grimaces aussi stupides et inutiles que celles dâun clown sous-payĂ© invitĂ© pour animer la cĂ©rĂ©monie de remise des diplĂŽmes dâune Ă©cole Maalej autre handicapĂ©e du talent, interprĂšte le rĂŽle dâun Elvis dâopĂ©rette dont la prĂ©sence est inexplicable du dĂ©but Ă la fin du film. Dâailleurs je soupçonne Ibrhaim Letaief dâavoir ajoutĂ© ce personnage uniquement comme prĂ©texte pour pouvoir passer les chansons du King. Letaief a mĂȘme convaincu Fatma Ben Saiden de jouer un petit rĂŽle dans son navet intĂ©gral. Comme quoi mĂȘme une longue expĂ©rience cinĂ©matographique ne vous prĂ©munit pas contre des choix dĂ©sastreux mais pour la dĂ©fense de Fatma Ben Saiden je dirai que les bons films tunisiens sont tellement rares quâon ne peut pas en vouloir Ă certains de nos meilleurs acteurs de se fourvoyer dans de telles aventures avoir vu le film de Letaief, je me suis dit quâen ces temps de crise Ă©conomique et dâaustĂ©ritĂ©, les restrictions budgĂ©taires devraient en prioritĂ© toucher les subventions octroyĂ©es par le ministĂšre de la culture au cinĂ©ma afin de limiter autant que possible les manifestations du gĂ©nie cinĂ©matographique tunisien.
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